Une plongée au cœur des métiers d’Ubisoft
14 Nov 2017
Des jeux et des mondes, une plongée au cœur des métiers d’Ubisoft
Patrick Gilbert partage ses impressions sur la première learning expedition de CIME qui réunissait, le 14 novembre dernier, une vingtaine de participants dans le studio d’Ubisoft à Annecy.
La preuve est faite : on peut avoir comme objet l’entertainment et conjuguer le sérieux gestionnaire avec la convivialité ; on peut de plus se donner une mission au niveau sociétal : « enrichir la vie des gens » ; ce n’est pas une mince ambition. C’est ce dont ont témoigné nos interlocuteurs d’Ubisoft, pendant une demi-journée très dense où l’intérêt n’a jamais faibli. Aujourd’hui une question se pose : qu’avons nous appris ? A chacun de répondre avec ses propres représentations, son expérience, sa situation et les projets de son entreprise.
Pour ma part, je vais tenter de le faire en quelques mots, sans prétendre exprimer un point de vue général et bien conscient de la difficulté de l’exercice : la confrontation avec les mondes du jeu vidéo convie naturellement à l’émerveillement et à l’enthousiasme. Une prise de recul de quelques jours, m’a toutefois permis d’inventorier quelques réflexions à approfondir.
Tout d’abord, je relèverai l’effet d’une forte orientation client sur la structure interne. Ce n’est pas une situation si habituelle d’être en interaction permanente avec ses clients pour livrer un produit qui est le résultat d’une co-construction évolutive ; l’équipe « Live saisissant, en direct, les besoins émergents de la communauté des joueurs et les optimisations souhaitées du jeu.
Ubisoft illustre aussi de façon évidente l’articulation entre le global et le local : Steep, jeu vidéo de sports extrêmes doit beaucoup à la proximité Alpine du studio d’Annecy ; mais le développement du jeu s’est fait en solidarité avec des équipes implantées dans d’autres pays. Le tout pour un bénéfice commun et dans une compétition à l’échelle mondiale.
Le haut degré de formalisation a été pour moi un sujet d’étonnement. Ma représentation, celle d’un naïf connaissant mal ce secteur, était celle d’une activité très artisanale, faisant cohabiter des équipes dans un certain désordre créatif. Sans nier que cette dimension puisse être présente, ce qui est remarquable c’est la forte spécialisation des métiers qui s’est illustrée au travers des intervenants de l’entreprise qui ont accepté de partager leur expérience avec nous (directrice du studio, directeur artistique, directeur créatif, directeur technique, directeur world…). J’ai aussi relevé le poids du procédural, dans une activité de création très séquencée, de l’idée à la mise en marché. Toutes choses qui tendent à monter que la créativité ce n’est pas l’anarchie ! Cette forte spécialisation ne conduit pas pour autant à concentrer la R&D qui est autant dans les usages – et donc répartie – que dans la technique – plus concentrée.
Le secteur est jeune mais il a déjà connu sa révolution. On n’est plus dans le modèle start up (vus la taille et les enjeux financiers). Ubisoft a connu une évolution considérable en 25 ans : de l’artisanat à des organisations telles qu’on peut les trouver dans l’industrie et des problématiques comparables (comme celle de l’ingénierie concourante, dictée par la nécessité d’accélérer le rythme des projets). Une autre évolution importante est celle du mode de diffusion des jeux : de la boîte qu’on achetait sur étagère, au service en ligne (Game As A Service). On devine qu’il y en aura d’autres, car on est sur des produits à obsolescence rapide que l’on doit constamment « transfuser » (par des innovations) pour qu’ils continuent à vivre.
Certains ont pu s’étonner de la forte présence du management de proximité (1 manager pour 5 ou 6 collaborateurs). Mais on comprend mieux lorsque l’on apprend que cette hiérarchie est en appui, beaucoup plus qu’en supervision. Cela nous incite à renouveler notre pensée en raisonnant qualitativement et non plus simplement quantitativement (combien de niveaux ?).
J’ai enfin été impressionné par la forte implication de la structure RH. Plus que les outils modernes qu’elle a su mettre en œuvre, c’est sa forte implication dans le « floor » qui est un levier de son efficacité. Cet ancrage terrain la centre sur le collectif de travail, en l’immergeant dans l’organisation. Il me semble aussi y avoir là un point d’illustration de la tension entre l’individuel et le collectif : on recrute des talents, mais on manage des équipes.