Résumé exécutif en français

Manager l’expertise : en comprendre la fabrique pour mieux la soutenir

 

Dans les grandes entreprises des secteurs de hautes technologies, l’expertise est clé en ce qu’elle soutient les activités opérationnelles ainsi que les processus d’innovation. Dans une large mesure, ces expertises n’existent pas toutes faites sur le marché du travail. En partie spécifiques aux activités de l’organisation, leur construction se produit assez largement au sein de cette dernière. Elle requiert de la stabilité, avec un ancrage sur le temps long, sur des durées qui peuvent excéder dix années, ainsi que des conditions organisationnelles soutenantes. Or, les pratiques gestionnaires comme les travaux de recherche s’attachent essentiellement aux politiques et dispositifs qui interviennent sur les expertises déjà constituées, laissant dans l’ombre leur patiente et exigeante élaboration. En quoi est-ce préjudiciable ?
Les enjeux autour de l’expertise sont multiples et généralement bien repérés par les entreprises et par la littérature. Ils sont à la fois économiques (disposer d’un socle fort de compétences dans les domaines scientifiques et techniques distinctifs) et socio-organisationnels (reconnaître et fidéliser les experts, identifier et capitaliser les expertises, les faire travailler ensemble, etc.). Mais tout se passe comme s’il s’agissait de considérer et de gérer les expertises existantes, indépendamment des modalités selon lesquelles elles ont été produites. Compte-tenu de l’importance des expertises dans les processus d’innovation, et du contexte actuel de forte mise sous tension de ces derniers, il apparaît périlleux de ne pas se préoccuper davantage de la manière dont elles se construisent et se façonnent, d’autant plus que leur temporalité longue de constitution introduit de redoutables effets d’inertie. C’est à cet angle mort du management de l’innovation technologique que l’étude s’attache.
Nous commençons par faire un point sur le sujet à partir des observations conduites auprès du cercle des adhérents de CIME et des enseignements de la recherche au travers d’une revue de la littérature. D’où il ressort que la production de l’expertise reste entourée d’une aura de mystère, malgré la conviction partagée d’un besoin accru de compréhension des processus de constitution des expertises.
Ainsi, pour aller plus loin et mieux comprendre les ingrédients de la fabrique de l’expertise, nous avons réalisé deux études de cas que nous présentons dans leurs caractéristiques et leurs résultats. Cette interrogation au sujet de la manière dont se constituent les expertises intervient alors que les deux organisations étudiées – à l’instar de nombreuses autres – se trouvent interpellées sur leur capacité à renforcer le pilotage stratégique de l’expertise en fonction d’enjeux futurs renouvelés. L’étude de terrain met en évidence une pluralité de facteurs organisationnels qui, selon, constituent des leviers ou des freins à la constitution d’expertises individuelles et collectives. Elle questionne aussi les politiques et dispositifs de gestion actuels quant à leur rôle – limité – et leur efficacité – relative – dans l’accompagnement des trajectoires d’expertise.
Dans une dernière section, nous avançons quelques pistes opérationnelles de réflexion et d’action pour les organisations scientifiques et techniques, afin de faire en sorte que l’expertise soit effectivement gérée dans le cours de sa constitution, et pas seulement « après coup ». Plutôt que de se focaliser exclusivement sur la création de toutes pièces de nouveaux dispositifs formels, l’étude suggère d’accompagner les processus de fabrication de l’expertise existants afin de les rendre plus efficients, dans une logique combinant soutien et incitations, et en impliquant toutes les parties prenantes concernées par l’expertise et sa gestion.

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