Google

Le contexte

Passée en très peu de temps de la jeune pousse à la très grande entreprise, la société mondialement connue de Larry Page et Sergey Brin investit beaucoup en recherche et développement, mais aussi en marque employeur. La proposition de valeur pour l’employé est caractérisée jusqu’en 2007 par la combinaison d’une promesse de gain via les souscriptions d’actions, du statut social conféré par une entreprise innovante et de l’autonomie dans l’activité.

L’initiative managériale observée

Le commencement / l’impulsion

Cette proposition devient beaucoup moins attractive à partir de 2008 : le potentiel de gain par les actions baisse, l’entreprise est vue de manière plus critique, et la routinisation de l’activité fait décliner l’intérêt psychologique. Google connaît alors une difficulté à attirer les talents et voit même partir des employés pour des sociétés concurrentes ou pour créer une autre activité. Dans ce contexte, l’enjeu majeur de Google est de maintenir une culture d’innovation radicale alors qu’elle est devenue une grosse entreprise de plus de 30 000 salariés.

Le déploiement : modalités et contenus

Google réagit alors avec deux pratiques. La première est relativement classique et consiste à racheter des jeunes pousses innovantes de la Silicon Valley, pour introduire des intrapreneurs et des innovations dans la structure existante. Google Earth, Google Maps, Picasa ou YouTube sont ainsi des produits que Google développe à partir de sociétés rachetées : 113 entreprises sont ainsi acquises entre 2011 et 2012. Pour limiter le taux de rotation au sein de ces petites structures, Google leur laisse une pleine autonomie en matière de recrutement, et affecte aux managers un très grand nombre d’ingénieurs à superviser pour que ceux-ci ne puissent en fait pas être contrôlés…

Une seconde pratique de Google pour restaurer son attractivité consiste à créer un écosystème entrepreneurial et favorable à l’innovation :

  • Des équipes très petites et autonomes (essentiellement en ingénierie) : des unités d’affaires indépendantes sont mises en place, et les projets sont répartis sur des petites équipes autonomes et agiles, de 3 à 6 personnes maximum, pour rendre visible les contributions de chacun ; par exemple, le gros projet gmail, qui aurait pu occuper une équipe de 30 personnes, a été confié à une série d’équipes de 3 à 4 personnes, chacune travaillant sur une partie spécifique du service.
  • Une supervision via le feed-back 360 des collaborateurs, plutôt que par le manager. La structure est plate : le manager Google encadre ainsi a minima une cinquantaine de subordonnés directs et pour certains, une centaine, pour le dissuader d’exercer une supervision trop forte et qui briderait l’innovation. Le manager est vu comme un manager ressource. Le micro-management n’est donc pas dans la philosophie de management Google.
  • Les OKR’s (Objectives and Key Results) pour structurer le pilotage de la performance sans le rigidifier : des OKR’s au niveau de l’entreprise sont communiqués chaque année par le dirigeant monde ; au niveau de l’équipe, ils sont définis par les managers ; au niveau individuel, chacun fixe ses objectifs et les définit avec son manager pour une période de 3 mois. C’est l’inverse du management par objectif traditionnel avec ses KPIs même si les key objectives sont quantifiables (par exemple recruter deux nouveaux managers pour compléter une équipe)
  • Une culture du résultat par la mise en place de procédures d’évaluation et d’accompagnement formalisées des projets : des rencontres avec le manager deux fois par an ; des « peer reviews » qui viennent compléter ces évaluations pour que les pairs (3 personnes au minimum) de la personne évaluée donnent un feedback complémentaire sur son travail
  • Une culture de l’intrepreunariat (le « 80/20 ») : 80% du temps du salarié doit être consacré à son « core job », 20% à des projets d’innovation, d’intrepreunariat ou personnels que le salarié choisit en fonction des sujets qui le passionnent (par exemple, aller travailler avec des chercheurs en amont, sur des projets « moonshot » …). Il existe par ailleurs, une évaluation des nouveaux projets proposés par les salariés (classement des 120 meilleurs projets par la direction) qui après avoir été retenus par un comité projet, se voient attribuer un budget de développement pour un an. Google estime qu’ils sont à l’origine de la moitié des produits de la société. Google accompagne la culture intrapreneuriale en proposant en parallèle des formations appropriées : start-up lab, start-up University
  • L’intensification des échanges et de la communication entre les salariés impliqués dans l’innovation : les Googlers sont utilisés pour les tests, les vendredis sont utilisés pour que les managers répondent en direct aux questions de leurs collaborateurs
  • La formation des salariés aux soft skills pour en faire des communicants et des leaders de demain,
  • Comme les Geeks ne sont pas forcément les meilleurs en termes d’empathie, ils ont une règle simple de faire au moins 2 actions par jour pour quelqu’un d’autre que soi…
  • Un système de récompense, le Google Founders Award, et le Google Ventures, qui visent à compenser la moindre rémunération des stock-options.

 

La pérennisation

La pérennisation passe pour beaucoup par l’adhésion, voire l’amour des collaborateurs Google pour leur entreprise. La « Googliness » apparait ainsi comme une « philosophie Google » qui floute les différences entre chez soi et le bureau (chacun vient au bureau comme il est, peut profiter de services personnels sur le lieu de travail, profite de ses 20% pour travailler sur ses propres causes, développe une vie sociale centrée sur Google pour certains, développe une attitude empathique à l’égard des autres), en même temps qu’elle met de hauts niveaux d’exigence sur la performance et sur sa mesure. Cette philosophie, les collaborateurs l’embrassent… ou la quittent en quittant Google.

Le caractère innovant et le rôle de la RH

Dans ce panorama, la fonction RH apparait peu présente. Toutes les études ou témoignages semblent l’oublier, laissant la part belle aux « producteurs », dirigeants, managers, ou autres talents Google. Pour autant, il faut reconnaitre le rôle déterminant de la fonction RH dans le recrutement, c’est-à-dire dans sa capacité à proposer aux opérationnels les candidats Google, ceux qui sauront rentrer et rester dans la philosophie Google.