Le contexte
RTS rassemble 1800 personnes entre Genève (2/3 des effectifs principalement en tv et sur le multimédia et Lausanne (1/3 des effectifs principalement en radio et sur le multimédia) et anime un réseau de journalistes-correspondants au niveau régional (cantons suisses romands), national et international. Le contexte est difficile car le secteur des médias est confronté à de nombreux phénomènes disruptifs :
- D’un point de vue politique, la remise en cause des services publics (la votation fédérale de mars 2018 posait la question de la suppression de la redevance (75% du financement du service public) et aurait eu pour conséquence la fermeture de la RTS !
- D’un point de vue sociétal, de nouveaux modes de consommation des médias avec une baisse de l’écoute traditionnelle (linéaire) de la radio ou de la télévision, en parallèle la possibilité technique pour qui le souhaite de diffuser de l’information (vraie ou fausse !) via les réseaux sociaux ; sans oublier une part toujours plus importante de la population qui ne s’informe pratiquement plus sur les médias traditionnels, mais sur les médias sociaux.
- L’émergence de nouveaux acteurs : les Gafas dominent le marché en agrégeant et redistribuant les contenus produits par les médias traditionnels. Netflix s’appuie sur l’intelligence artificielle pour concevoir des scénarios intégrant les centres d’intérêt du public, ou encore des robots journalistes traitent des événements répétitifs ou simples (résultats des élections, résultats sportifs, …).
L’initiative managériale observée
Le commencement / l’impulsion
Pour faire face à ce contexte, RTS décide en 2017 de se transformer en développant une approche « 360° » (appelée transmédia) et en visant 50% de production digitale et une innovation forte sur les formats et contenus. L’entreprise est consciente que cet enjeu implique une transformation des métiers, des pratiques, des infrastructures et des organisations. Cela nécessite d’adopter une approche globale (Les RH doivent se transformer en même temps que l’entreprise), de « passer d’une batterie de changements à un programme de transformation permanente » et d’orienter davantage le rôle du management vers un rôle de porteur et d’accélérateur d’innovation.
Le déploiement : modalités et contenus
La Direction de RTS initie son projet de transformation de la culture managériale via un questionnaire et l’interview des 250 cadres (managers et influenceurs de l’entreprise). Cette première étape met en évidence une culture managériale peu développée et peu valorisée, et pour autant une prise de conscience de l’importance du management et de la nécessité de le faire évoluer. La suite de la démarche conduit à la rédaction par la DRH et le Directeur de RTS d’une vision du manager RTS, à la fois leader, influenceur et facilitateur, qui doit pouvoir s’appuyer sur 5 piliers : courage, leadership, conscience du contexte, collaboration et agilité d’esprit. Chaque pilier est explicité en comportements attendus. Ces piliers concernent tous les managers et peuvent s’apparenter à des valeurs managériales.
C’est sur le socle de ces 5 piliers qu’est pensé un nouveau référentiel de compétences managériales : 5 compétences autour de la production de contenu, de la représentation externe, de l’innovation et du changement, du fonctionnement interne et du management des hommes/femmes et équipes de RTS (engagement, développement, …). Chaque compétence, déclinée en 2 ou 3 thèmes, est illustrée par des comportements attendus par niveaux de responsabilité hiérarchique (niveaux également explicités).
En parallèle de ce projet,
- Un chef de service, motivé pour mettre en place un fonctionnement holacratique, initie une démarche à la maille de son équipe (60 personnes). La direction donne son feu vert pour un an d’expérimentation et facilite le projet en mettant en place une « cellule d’accompagnement interne », l’outil « Glassfrog » (logiciel du marché pour gérer les systèmes holacratiques), et en finançant des formations à l’holacratie. Le bilan à un an étant satisfaisant, la décision est prise de poursuivre.
- Deux expérimentations sont conduites sur l’aménagement d’espaces de travail dits « dynamiques » (l’un à Genève, l’autre à Lausanne). Le principe est l’absence de bureau individuel et des espaces aménagés pour s’adapter aux besoins différents des activités, toutes catégories confondues (management compris). En parallèle, RTS virtualise la place de travail et ou les outils, et introduit le télétravail. Les « labos de travail dynamique », la RTS a décidé début 2019 de déployer progressivement ces nouveaux aménagements à l’ensemble de ses espaces de travail.
La pérennisation
L’intégration de ce référentiel et des comportements managériaux correspondants est en cours, notamment avec l’organisation de différents dispositifs d’ateliers de facilitation, de créativité, design thinking… ou la conduite de projets comme la digitalisation des outils managériaux, autant de signes qui montrent la cohérence et le fait que l’entreprise est en marche.
Concernant l’holacratie, aucune impulsion particulière n’est donnée. La démarche a été récemment présentée sur l’intranet, avec plusieurs regards « utilisateurs ». Pour l’instant, il n’y a pas de demande en provenance d’autres services pour démultiplier cette approche, mais un regard intéressé d’autres managers, des échanges informels et curieux au sein de l’entreprise. La logique est d’accompagner, de soutenir, pas de transposer ni d’imposer des pratiques.
Le caractère innovant et le rôle de la RH
L’innovation rencontrée chez RTS tient à une stratégie de transformation basée sur une multitude de projets ou d’impulsions, qu’ils soient pilotés centralement ou soutenus suite à une initiative terrain. Si le cadre est bien donné par la Direction (feuille de route), la transformation s’appuie pour beaucoup sur des principes de viralité et d’expérimentation, les anciennes méthodes mécaniques ayant selon RTS démontré leurs limites. Cette approche est en totale rupture avec la culture initiale de l’entreprise.
En cela, le rôle de la DRH a été déterminant, le DRH faisant partie du Comité de Direction et ayant insufflé la stratégie permettant « des pousses d’innovation managériale pas très coordonnées, mais qui portent un nouveau message ».