Vinci Energies

Le contexte

VINCI Energies est la branche énergie du Groupe VINCI, acteur mondial des métiers de la construction et de la concession, dont elle représente près de 30 % du chiffre d’affaire (12,6 milliards d’euros en 2018) et plus du tiers des effectifs (77 300 collaborateurs en 2018). Elle accompagne ses clients « entreprises » sur deux axes majeurs, la transformation numérique et la transition énergétique.

Un premier regard sur le Groupe montre une structure organisationnelle atypique : un siège social réduit au minimum[1] et la presque totalité des salariés répartis dans une multitude d’entreprises comme autant de PME ou d’établissements de taille intermédiaire. Décodeurs de ses marchés, ancrées dans les territoires et organisées en mode agile, les 1800 entreprises de VINCI Energies sont particulièrement emblématiques du modèle managérial du Groupe.

L’initiative managériale observée

Le commencement / l’impulsion

A l’origine de ce modèle, un développement du Groupe essentiellement basé sur une croissance externe, couplé avec une conviction forte du PDG Xavier Huillard : la valeur dégagée ne doit pas être recherchée par la mutualisation de fonctions ou la rationalisation, mais par une organisation où chaque patron d’entité agit comme un véritable chef d’entreprise au plus près de ses marchés. Les spécificités de Vinci Energies en matière d’affaires (des marchés à taille humaine) et d’intensité capitalistique (faible donc autorisant plus d’agilité) ont permis d’aller très loin dans ce principe.

 

Déploiement : modalités et contenus

Ainsi, non seulement les entités achetées ne fusionnent pas à l’intérieur du Groupe, mais au-delà d’une taille critique, les entreprises sont dédoublées au nom d’une certaine forme d’agilité nécessaire à un pilotage en proximité de la performance (selon la nature des activités concernées, 10 à 100 personnes maximum par entreprise). Le chef d’entreprise peut ainsi garder une visibilité et assurer un pilotage opérationnel de ses affaires en cours, de son marché, … aidé en cela par les trois principes managériaux du Groupe :

  • L’intelligence stratégique et commerciale sur le terrain, au plus près du client (pas ou peu de contrats nationaux, l’initiative reste locale)
  • L’autonomie et la responsabilisation à la maille de l’entreprise, que cela concerne :
  • Le pilotage économique : pilotage par la rentabilité des affaires via le socle et outil de gestion commun Quartz
  • Les choix stratégiques : le PSP ou Plan Stratégique Partagé annuel, coconstruit au sein de l’entreprise et « pitché » auprès des entreprises du même bassin d’affaires,
  • Les arbitrages budgétaires : décision ou non de développer une fonction support au sein de l’entreprise, de recruter, de sous-traiter, …
  • Les enjeux RH : le dialogue social, les collaborations entre les entités (pour adresser à plusieurs de gros contrats) ou les mises à disposition de ressources (le « maillage » entre entreprises)
  • Les femmes et les hommes avant les systèmes : convaincre plutôt qu’imposer, encourager les initiatives et expérimentations, favoriser les projets collectifs par le maillage entre les entités, …et comme aucune « plateforme informatique » ne permet d’organiser ce maillage, « les femmes et les hommes des entreprises sont condamnés à se connaitre ».

Dans ce panorama, les directeurs régionaux ne jouent pas un rôle classique de hiérarchique car ils n’ont pas le pouvoir d’imposer aux chefs d’entreprises. En revanche, ils jouent un rôle essentiel de personne ressource et d’animateur des différents réseaux nécessaires au fonctionnement de l’ensemble. Et le plus haut niveau de la fonction RH (le pôle, au-dessus des directeurs régionaux) n’est pas de produire de la procédure et de la règle mais de la méthodologie pour aider les entreprises à adresser leurs challenges RH.

 

La pérennisation

Elle passe par le fort sentiment d’appartenance au Groupe. Plusieurs facteurs y contribuent :

  • L’ADN du Groupe (culture entrepreneuriale), renforcé par la force des réseaux, et par les pratiques structurées autour de Quartz, des PSP, du maillage
  • La conviction du DG (le siège du Groupe a récemment été reconstruit avec une capacité limitée à 400 places, à la demande de Xavier Huillard)
  • La juste place de la fonction RH : d’abord une fonction très opérationnelle à la maille et pilotée par l’entreprise pour ses besoins propres et court terme ; de manière émergente et opportune, c’est-à-dire selon les besoins des chefs d’entreprise, une valeur ajoutée plus transversale (par exemple pour donner des perspectives de mobilité aux salariés dont certains aspirent à une progression professionnelle au-delà du périmètre limitant de l’entreprise). Il ne s’agit pas là d’une évolution vers la mutualisation mais d’un juste dosage à trouver d’une prestation qui reste au service d’une ou d’un regroupement de quelques entreprises.

Le caractère innovant et le rôle de la RH

Le modèle n’est effectivement pas innovant au sens où il intègre des éléments déjà connus : l’intrapreneuriat et le réseau. Ce qui est innovant est le fait qu’il soit développé et qu’il parvienne à se maintenir dans une très grande entreprise. Il y a là innovation de contexte.

Parce qu’il repose sur l’humain et sur la culture, il présente une certaine forme de fragilité, dans lequel la fonction RH n’a pas le leadership mais un rôle déterminant de support au modèle, en insufflant au niveau centralisé le juste dosage au juste moment d’expertise et de transversalité.

[1] Seulement 250 personnes au siège pour le Groupe Vinci, le reste de l’effectif (211 000 en 2018) étant réparti dans plus de 2 000 entreprises et dans plus de 110 pays à travers le monde ; les 77 300 collaborateurs de Vinci Energies sont répartis dans 1800 entreprises et 53 pays.