Liip

Le contexte

Liip est une agence suisse de développement Web qui annonce sa différence dès la première page de son site : « 180 Liipers autogérés créent des solutions numériques ». L’agence compte 174 employés, répartis sur 5 sites en Suisse pour rester en forte proximité de ses clients (pas de off-shoring). Elle a été distinguée par plusieurs prix dans le domaine du logiciel mais aussi en tant qu’employeur. Sa raison d’être : « We want to create long-lasting social, environmental and economic value, by striving for digital, human progress » affiche sans complexe son ambition d’être financièrement durable, ce qui signifie notamment pour les collaborateurs une rémunération attractive sur au moins 13, voire 14 mois, et pour les actionnaires, les dividendes attendus. C’est aujourd’hui une agence performante et en plein développement.

L’initiative managériale observée

Le commencement / l’impulsion

L’évolution de l’agence a été progressive. Elle est initiée en 2009 avec la découverte des méthodes « scrum », méthodes agiles dans le domaine informatique : une organisation de projet dans laquelle tous les développeurs sont co-responsabilisés, dans laquelle certains ont un rôle spécifique supplémentaire (le product owner est garant de la vision client, le scrum master de l’organisation du travail), et qui s’appuie sur du management visuel.

En 2012, Liip décide de généraliser le principe systématique d’équipes multidisciplinaires au-delà des équipes de développement. Seuls quelques collaborateurs restent isolés, notamment ceux en charge des fonctions support comme la RH ou la finance. C’est pour intégrer ces profils et pour soutenir la croissance des effectifs que l’entreprise décide de mettre en place l’holacratie en 2016.

 

Le déploiement : modalités et contenus

Les expériences d’holacratie sont diverses. Liip reste proche des principes fondateurs. Des cercles sont constitués, chacun animé au travers des 4 rôles clés génériques : le facilitateur, le secrétaire, le rep-link en charge de la remontée des informations vers le cercle de niveau supérieur et le lead-link. Ce dernier est celui qui assure le flux inverse d’information et assigne les rôles dans son cercle, sans pour autant être le chef puisque le principe est que le cercle doit s’auto-organiser.

Dans ce cadre, les fonctions supports sont éclatées rôle par rôle : il n’y a pas de fonction ni de rôle RH mais un rôle en charge des rémunérations et du développement du système salarial, un rôle en charge du développement et/ou de l’engagement dans les équipes, …. Une personne peut assurer plusieurs rôles (par exemple, product-owner, lead-link et responsable de la communication…). Les rôles sont définis en fonction des besoins : lors de l’aménagement des locaux, un développeur a pris le rôle « office care » qui n’existait pas encore, pour solliciter les avis des personnes concernées, les conseils des autres sites ayant déjà conduits ce type d’aménagements, l’avis de la personne en charge du rôle finance… avant de prendre la décision finale et manager les travaux. Ainsi, chaque rôle a l’autorité complète, ce qui fait qu’il n’y a plus de hiérarchie au sein de Liip.

Dans ce type d’organisation, « tout est guidé par les tensions » : les tensions déclenchent des besoins et donc des décisions, qui permettent une évolution agile et constante plutôt que des changements vécus comme des révolutions ou contraintes.

En contrepartie, le cadre organisationnel est extrêmement structurant :

  • Une « constitution », des réunions opérationnelles et des réunions de gouvernance au sein de chaque cercle, régies par
  • Des règles strictes dont l’objectif est de favoriser la parole, le traitement des objections et les prises de décision constructives. Par exemple, la décision par consentement implique que c’est à la personne qui veut objecter une décision d’apporter ses arguments (et non à la personne qui apporte une proposition de démontrer que sa proposition reste bonne), et de préciser au nom de quel rôle elle fait son objection.
  • La transparence sur toutes les données chiffrées (par individu, équipe, bureau, ou pour Liip tout entier), y compris sur les salaires (déterminés suite à une revue de pairs et un arbitrage, ce dernier pourrait être abandonné à l’avenir).
  • Le principe d’itération et d’agilité : chaque proposition de gouvernance est testée pendant un mois avant un bilan pour confirmer, ajuster, arrêter selon le cas

 

La pérennisation

Elle est confortée par la situation de l’entreprise. Liip est à la fois performante (résultats, chiffre d’affaire sur un secteur porteur) et en développement. La croissance de ses effectifs en croissance lui permet de recruter des candidats aux profils compatibles voire attirés par ce type d’organisation.

Le caractère innovant et le rôle de la RH

L’innovation peut être qualifiée de contenu si tant est que l’on considère comme nouveau le modèle de l’holacratie, développé par itérations successives depuis le début des années 2000 par Brian Robertson au sein de son entreprise de production de logiciels Ternary Software.

Le leadership de la transformation est porté par le/les dirigeants et les salariés présents. La fonction RH, repartie sur plusieurs personnes, apporte de la cohérence et contribue à la pérennisation du système par le choix des recrutements, ou encore l’aide à l’évolution du système de rémunération.