Ubisoft studio d’Annecy

Le contexte

Ubisoft figure parmi les leaders mondiaux de la création, de l’édition et de la distribution de jeux vidéo. Ce groupe familial créé en 1986 par la famille Guillemot, compte 16 000 salariés dans le monde, dont 80 % travaillent dans la production au sein d’une trentaine de studios répartis sur cinq continents. Comme l’ensemble des sociétés de son secteur, Ubisoft est confrontée à des évolutions significatives des modes de consommation du jeu vidéo : diversification des logiciels et des plateformes de jeu, attente croissante d’interactivité entre les joueurs, exigence de réalisme dans les scénarios, dans les images et les animations…

Ces évolutions ont des impacts forts sur le besoin d’expertises nouvelles, technologiques (outils procéduraux) et sur de nouveaux métiers (game designers, level designers, artists 3D, historiens, scénaristes…). Les expertises recherchées, souvent pointues et à évolution rapide, sont plutôt rares et difficiles à trouver sur le marché des candidats issus de la formation initiale.

L’impact sur le business model est tout aussi fort : Ubisoft passe de la vente du jeu sur étagère (vente d’un pack en magasin, jeu finalisé après un long développement pouvant aller jusqu’à 4 ans), à un modèle « GAAS », ou « game as a service » : la vente sous la forme d’un abonnement d’un produit en ligne sur internet, l’accès pour les joueurs à un contenu renouvelé en continu, une connexion permanente des équipes avec des joueurs sélectionnés et représentatifs pour être au plus près des envies et avis des clients…

L’initiative managériale observée

Le commencement / l’impulsion

Le contexte induit des évolutions significatives des métiers et compétences :

  • Hyper spécialisation des expertises technologiques et métiers
  • Besoins croissants de compétences collectives et comportementales : les équipes sont amenées à travailler en cellules de projet, en parallèle et non plus en séquentiel, avec des experts de différentes disciplines, parfois localisés dans une autre partie du monde
  • Nécessité de manager l’ensemble de ces profils dans un environnement concurrentiel exigeant (temps, budget, qualité)

Ubisoft est donc confronté à des enjeux forts de nature RH :

  • Recruter et fidéliser les experts : compétences rares, nécessité de recruter sur un terrain de jeu mondial, de fidéliser sur une zone géographique de « second plan »
  • Développer la collaboration et l’engagement de chacun sur les enjeux de performance
  • Attirer sur des postes de management des profils davantage motivés par les métiers techniques ou artistiques

 

Le déploiement : modalités et contenus

Face à ces enjeux RH, la DRH prend naturellement le lead sur des expérimentations et actions conduites sur plusieurs fronts, qui intègrent :

  • Une porosité assumée entre les filières d’expert et de management : le manager (« lead ») est un « leader métier » qui encadre au maximum 5 à 6 personnes afin de pouvoir concilier son travail d’expertise (60% de son temps) et son rôle de manager ; ce rôle est davantage celui d’une ressource pour l’équipe, qu’un rôle de supervision ; le manager peut n’accepter son rôle de manager que sur une période définie
  • Une professionnalisation des managers qui passe par des dispositifs de mentoring et de coaching, qui laisse une place importante au management émotionnel, aux préférences comportementales (MBTI par exemple)
  • Un programme « level-up » qui cible les salariés seniors (10 à 15 ans d’ancienneté) repérés comme pouvant devenir des « leaders de la transformation ». Ces « potentiels » se voient donner un mandat temporaire pour créer une nouvelle unité dans l’écosystème, et tester de nouvelles idées tout en faisant rayonner la marque employeur.
  • La prise en compte de la chronobiologie pour adapter les horaires et rythmes de travail aux attentes et personnalités des jeunes générations employées
  • Le déploiement d’une culture du feed-back au sein des équipes

 

La pérennisation

  • Elle passe par un travail de mise en cohérence de l’ensemble des leviers RH :
  • Une nouvelle vision de la performance évaluée sur 5 axes (la collaboration, les résultats atteints, l’expertise métier, l’esprit de leadership et goût pour le challenge)
  • Une évaluation en continu (et non plus annuelle), qui prend en compte des « soft skills » tels que le potentiel managérial, la capacité à proposer, la rapidité à apprendre
  • Le développement des carrières basé sur des critères responsabilisant et valorisant la contribution du salarié (sa façon de progresser, d’avoir plus d’impact sur la performance, ses ambitions pour l’année suivante)
  • L’adaptation du système de bonus pour prendre en compte la contribution individuelle dans un environnement où l’importance du collectif reste affirmée.

 

Le caractère innovant et le rôle de la RH

Du fait de l’importance des enjeux RH et d’une grande proximité de la RH avec les métiers de la production (le poste de DRH fait l’objet d’une mobilité interne et n’est donc pas donné à un pur profil RH), toutes ces actions sont inspirées et co-pilotées par la fonction RH, ici acteur clé et légitime de la transformation. Si le déploiement des actions et expérimentations est plutôt classique, leur contenu peut être qualifié d’innovant (programme level up, chronobiologie, culture partagée du feed-back, responsabilisation de chacun sur son impact individuel sur la performance …).