Pratiques de managers et enseignements

1 / Des paradoxes repérés et assumés par les managers

Réguler les paradoxes était déjà un enjeu central pour les managers : manager par la confiance sans perdre le contrôle, prendre en compte des besoins individuels tout en poussant la performance collective, concilier décisions stratégiques et réalités du terrain…

Pour y faire face, les managers hiérarchisent, trouvent des compromis, gèrent des problèmes, avec une hypothèse sous-jacente de primauté de la performance économique. Le peu de recherches consacrées à la gestion des paradoxes montre qu’ils ont tendance à vouloir affaiblir ou éliminer ces derniers pour diminuer la pression qu’ils subissent, en s’appuyant sur des logiques d’évitement, ou encore de confrontation ou d’acceptation (au sens de Smith et Lewis). Ils sont pour la plupart peu formatés pour penser en dehors de ce prisme. Or face à des objectifs ambigus ou contradictoires, adopter ces postures défensives ne fait en réalité que déplacer les contradictions ou en créer de nouvelles, ou encore en retarder les effets négatifs. Les managers prennent ainsi le risque de déstabiliser le fonctionnement des organisations et d’augmenter leurs souffrances individuelles en restant « coincés » au centre de tensions inextricables pour eux.

Or le contexte de transformation permanente, la crise sanitaire et les logiques d’action au sein de l’entreprise viennent exacerber ou ajouter des paradoxes à ceux auxquels ils sont déjà confrontés.

A cela s’ajoute un modèle de transformation (non planifié, chemin faisant, voire émergeant), qui oblige le manager à piloter la performance et l’innovation en s’appuyant essentiellement sur l’engagement individuel et collectif de ses collaborateurs, avec la nécessité de les faire bouger dans leurs comportements et modes de pensée. Sur ces dimensions, l’injonction et l’autorité managériale montrent leurs limites. Pour sortir de cette contradiction supplémentaire, ils n’ont d’autre choix que de stimuler leurs propres collaborateurs, en les aidant à sortir de leur cadre, à développer leur capacité réflexive, pour leur donner envie d’évoluer et d’agir autrement, dans le sens attendu.

Ainsi, maillon actif et incontournable de la transformation, le manager est positionné consciemment ou non au centre de la scène et dans un rôle nouveau pour lui : « manager les paradoxes », ceux qui lui sont imposés par son environnement et ceux qui relèvent de ses propres missions de transformation et d’innovation. Manager les paradoxes consiste alors à les gérer dans une logique vertueuse. Dans le cas du manager qui doit embarquer son équipe, il s’agit pour lui de maintenir le bon niveau de tensions, – celui qui stimule, et d’aider ses collaborateurs à transformer ces dernières pour qu’elles deviennent créatrices, c’est-à-dire sources d’initiative, de coopération, d’innovation et d’engagement. Mais comment concrètement les managers s’y prennent-ils ?

2 / Les pratiques managériales rapportées

Sur la base de nos interviews ou des podcasts de managers, nous avons repéré des pratiques soit adaptées au contexte de crise récemment traversé, soit en avance de phase dans l’entreprise. Ces pratiques sont avant tout le fait des managers eux-mêmes, c’est pourquoi il ne nous a pas paru opportun de préciser l’entreprise de rattachement, et nous en avons respecté l’anonymat.

Les pratiques évoquées par ces managers se rapportent aux temps forts de leur management, à savoir les réunions d’équipe, l’organisation de l’activité et le management des personnes. Nous avons rassemblé les plus emblématiques ci-après.

 

●      Des modes de réunions renouvelés

Les managers parlent de réunions à la fois plus rythmées, plus cadrées mais surtout plus participatives et donc plus engageantes pour les collaborateurs :

  • « Lors de ma prise de poste, j’ai apporté ma touche personnelle en remplaçant les réunions descendantes et très formelles, par des séquences plus courtes et plus ouvertes où chacun peut participer au projet du département. On a défini nos sujets, nos façons de travailler, nos fréquences de réunion »
  • « Je me suis rendu compte que notre point hebdomadaire de ½ à 1 heure, dans lequel chacun pouvait apporter les sujets à traiter mais que j’animais, me demandait de plus en plus d’énergie car mes collaborateurs étaient de moins en moins attentifs. Je leur ai proposé de faire autrement. 5 personnes volontaires ont réfléchi et ont proposé le système de l’animation tournante »
  • « Nos réunions sont structurées autour d’une dizaine de questions qui permettent de balayer les points d’actualité et d’orienter les comportements : des questions permettant à chacun de s’exprimer sur les réussites de la semaine (pas ce que tu as fait, mais ce que tu as accompli), de définir et de s’engager sur ses objectifs à venir, de proposer des points d’amélioration pour le collectif / l’organisation, enfin des questions invitant à la cohésion et la solidarité  : « qui as-tu aidé cette semaine ? » , « qui t’a aidé cette semaine » ? »
  • « Notre réunion hebdomadaire de 1h30 max, est préparée et structurée en quatre temps : un temps d’inclusion ; un temps sur les décisions à prendre : à tour de rôle, chacun expose ses sujets et décisions envisagées (partant du principe d’interdépendances entre les sujets de l’équipe, les autres peuvent réagir mais la décision reste à la main du porteur, en connaissance de cause) ; un temps « place de marché » : les demandes adressées au manager pour l’équipe sont discutées (compétences requises, charges de travail de chacun, collaborations nécessaires, …) et chacun peut se positionner sur les missions correspondantes ; enfin un temps « intelligence collective » au service des problématiques de chacun, dans une logique de codéveloppement mais sous un format beaucoup plus court. »

Lors de ces réunions, les managers ont souligné l’importance de mettre en œuvre des pratiques qui permettent de favoriser la prise de parole et des relations authentiques et constructives entre les membres de l’équipe :

  • « Je fais un tour de table systématique en réunion pour inciter chacun à s’exprimer »
  • « J’ai appris à utiliser les blancs pour favoriser la prise de parole de tous »
  • « Tout cela fonctionne parce que la communication est constructive entre nous ; c’est devenu un mode d’interaction naturelle qui ne l’était pas au début. La qualité de nos relations doit à la technique du feed-back et a été renforcée par un team-building organisé à l’initiative d’un des membres de l’équipe ».

 

●      Une organisation différente de l’activité

La crise du Covid a obligé certains managers à revoir leur rôle quant à l’organisation de l’activité, les obligeant :

  • A se positionner autrement face à leurs équipes: « J’ai pu dire sans malaise que ni moi ni le Codir n’avions les solutions, qu’il était nécessaire de les construire collectivement » ; « Nous avons été amenés à changer de cap voire nous contredire d’une semaine sur l’autre, sans perdre de légitimité » ; ou encore : « J’ai pu m’appuyer sur certains collaborateurs que rien ne prédestinait, et qui se sont révélés être des piliers » ;
  • A sortir du cadre et des procédures habituels: « Nous nous sommes focalisés sur l’urgent et l’important, l’ici et maintenant, et sur les moyens à disposition, sans céder à la lourdeur des processus » ; « Nous avons mis en place des solutions locales qui primaient sur les préconisations habituelles de l’entreprise » ; « Nous avons dû improviser car nous étions bien souvent informés par les médias avant d’avoir des informations ou consignes de l’entreprise » ; « Nous avons échangé sur nos bonnes pratiques avec nos clients, cela nous a ouvert de nouvelles formes de relations et même de nouvelles offres de prestations » ;
  • Et à bouger dans leurs représentations: « J’ai réalisé que nous pouvions fonctionner sans faire autant de déplacements professionnels » ; « J’ai revu ma position quant au télétravail, beaucoup plus positive qu’avant ».

Certains managers ont aussi témoigné dans ce sens, hors contexte de la gestion de crise du Covid :

  • « J’ai délégué complètement l’organisation d’évènements conviviaux / de séminaires d’équipe à des collaborateurs volontaires, je leur laisse carte blanche »
  • « J’ai incité mes managers intermédiaires à prendre des initiatives pour améliorer les modes de fonctionnement de leur équipe. L’un d’eux en particulier en a profité pour coconstruire avec son équipe une nouvelle organisation, qui leur a permis de dégager plus de performance et plus de temps pour se former »
  • « Tous les 6 mois, nous définissons ensemble nos objectifs d’équipe, qui s’inscrivent dans les objectifs de l’entreprise, ainsi que les contributions de chacun pour les atteindre. Le suivi mensuel est là pour suivre l’avancée des missions, mais aussi les efforts et les besoins d’entraide pour avancer. Tout est ramené à « notre » objectif d’équipe, afin que chacun se sente concerné. Ainsi, les objectifs individuels se décomposent en objectifs de développement (compétences, comportements…prévus dans le système d’évaluation de l’entreprise) et en objectifs de contribution personnelle à l’atteinte des objectifs de l’équipe. Les objectifs de l’équipe priment sur les objectifs individuels, sans faire disparaitre la valorisation de la contribution de chacun »

Enfin rappelons, présentée ci-avant, l’animation dite de la « place de marché », qui mériterait de figurer ici également.

 

●      Une attention croissante aux personnes

La terminologie proposée est ici importante, mettant en avant le glissement opéré par ces managers, du management individuel vers un accompagnement humain des personnes de leur équipe, basé sur de nouvelles formes de proximité. Sans surprise, cette dimension est ressortie dans la bouche de tous les managers s’exprimant en lien avec la gestion de la crise Covid :

  • « J’ai organisé un échange avec tous mes collaborateurs, un par un, pour mieux les connaitre. J’ai adapté mon suivi à leurs besoins et situation, quitte à entrer dans l’intimité de certains, quand d’autres souhaitaient rester sur le champ professionnel »
  • « Nous avons organisé des points de rencontre chaque jour / semaine au sein de l’équipe pour préserver notre cohésion et le lien social, en utilisant tous les moyens à disposition : téléphone, Teams, Groupe WhatsApp., Teams-café, … »
  • « Nous avons remis de l’humain dans le quotidien, avec des moments de convivialité dans le cadre professionnel mais aussi personnel, par exemple en communiquant via des newsletters des idées d’activité pour occuper les enfants en période de confinement ».

Hors de ce contexte de crise, l’attention aux personnes constitue déjà pour certains une véritable pratique managériale :

  • « Au-delà de l’enquête salarié conduite par l’entreprise, je sonde mes collaborateurs chaque mois, en leur posant 2 questions avec des réponses attendues sous la forme d’une note de 1 à 10 : quel est ton degré d’engagement dans ton travail ? et quel est le degré de ta charge de travail ? Cela me permet ensuite un échange de paroles et donc un ajustement managérial. »
  • « J’envoie un questionnaire à tous les collaborateurs leur demandant de noter de 1 à 10 combien ils sont satisfaits de leur semaine ; cela me sert d’alerte pour intervenir si besoin. »
  • « Lorsque je recrute un nouveau collaborateur dans mon équipe, je fais très attention à bien le connaitre et à clarifier avec lui ses points forts, points forts qui vont déterminer ce sur quoi il sera attendu et ce sur quoi il ne le sera pas. Ainsi chacun connait sa place au sein de l’équipe : il n’y a plus de compétitions mais des complémentarités et des synergies dans le collectif. Je maintiens cette pratique dans la durée pour ajuster en fonction de l’évolution des points forts mais aussi des aspirations de chacun. »
  • « J’organise régulièrement des RETEX qui ne sont pas centrés sur les échecs mais plutôt sur les réussites, y compris individuelles : l’idée n’est pas d’apprendre des erreurs mais de prendre conscience des points forts pour donner l’envie de les renforcer et maximiser le plaisir de réussir. Il s’agit de permettre à chacun de dépenser le minimum d’énergie pour le maximum de résultat, de prendre plaisir au travail. »

Enfin, à l’heure où le télétravail est amené à se développer, le témoignage de managers qui y sont déjà confrontés confirme l’enjeu de considérer les personnes, leurs émotions, le besoin de convivialité et de plaisir à être ensemble :

  • « Nous démarrons systématiquement nos réunions par un temps d’inclusion pendant lequel chacun peut exprimer ses préoccupations, son humeur, … en lien avec le professionnel ou le personnel. »
  • « Avec une équipe éclatée géographiquement, les interactions à distance, formelles ou non, font déjà partie de nos modes de fonctionnement. Elles s’appuient sur des outils (dont un ‘mur de discussion’ propre à l’équipe en plus du réseau social de l’entreprise), mais aussi sur une très bonne connaissance qu’ils ont les uns des autres ; connaissance construite au départ et entretenue par des rencontres physiques. »
  • « Le télétravail n’est pas un gain en termes de budget, car en contrepartie, il est essentiel d’organiser des moments en présentiels, plus conviviaux, plus ludiques : rencontres mensuelles, séminaires 2 fois par an… »

3 / Les enseignements

Les managers à l’origine de ces pratiques ont tous exprimé les paradoxes auxquels ils étaient confrontés, sans chercher à les nier, à les éviter, à les contourner, ou encore à les faire accepter avec une promesse de contrepartie. Ces managers ont plutôt, consciemment ou non, adopté une posture pour les gérer et les réguler dans une logique constructive et productive, permettant d’en révéler le « potentiel créatif », illustrant ainsi la voie de la transcendance évoquée par Smith et Lewis.

L’analyse de leurs pratiques nous permet de dégager trois enseignements : la sortie du cadre habituel de référence, le besoin de nouvelles capacités managériales, et enfin quelques points de vigilance pour les entreprises qui s’interrogent sur leurs dispositifs d’accompagnement.

3.1 / La sortie du cadre habituel de référence

L’analyse des pratiques montre que ces managers parviennent à un management vertueux des paradoxes : d’une part, en stimulant leurs collaborateurs pour les aider à sortir du cadre de référence et en leur donnant envie d’adopter de nouveaux modes de pensées et d’emprunter de nouvelles voies ; d’autre part, en sortant de la contradiction logique des paradoxes pour (pro)poser un nouveau cadre de travail.

●      Sortir du cadre de référence

Sortir du cadre de référence nécessite de bousculer des routines, représentations et croyances qui constituent ce cadre. Il n’en est pas autrement quand le manager agit en décalage avec ce qui est attendu de lui, comme déléguer son rôle de leader lors des réunions d’équipe, imposer une animation avec des questions inhabituelles, organiser de la codécision sur des sujets, ou encore donner carte blanche aux volontaires pour organiser un séminaire d’équipe. Derrière ces pratiques, deux leviers :

  • Afficher une posture assumée de non-sachant: cela peut constituer pour beaucoup de managers encore, une crise identitaire et une atteinte à l’ego. Le changement de posture et les réflexes associés sont d’autant plus difficiles à acquérir, quand le manager pense avoir la bonne solution ou veut intervenir pour accélérer le processus de résolution
  • Casser les routines et agir sur les modèles mentaux de ses collaborateurs: ce levier est tout aussi difficile à actionner, car cela suppose pour le manager d’être en capacité de casser ses propres représentations avant de pouvoir changer celles des autres, et parfois d’aller à l’encontre de la culture de l’entreprise.

●      (Pro)poser un nouveau cadre de travail

Le manager peut en être à l’origine, notamment lorsque cela entame ses autres prérogatives managériales plus classiques. C’est le cas du manager qui a su faire cohabiter deux approches de l’évaluation de la performance a priori paradoxales pour le collaborateur : celle de l’entreprise faisant la part belle à l’évaluation des performances individuelles, et celle servant les comportements attendus au sein de l’équipe, avec un objectif d’équipe qui prime sur les objectifs individuels. Mais si le principe et le sens sont bien donnés par le manager, celui-ci laisse une marge de manœuvre importante à l’équipe puisque les objectifs sont décidés ensemble. Ainsi, les témoignages des managers montrent des pratiques visant davantage à rendre le cadre favorable, qu’à tenter de convaincre ou former les collaborateurs. Le principe sous-jacent est de permettre à chacun de s’autoriser à, de donner envie, d’inspirer :

 

Un cadre qui favorise les relations authentiques et le plaisir d’être ensemble

  • En généralisant la technique du feed-back (entendu au sens de la communication non violente), souvent citée comme une pratique partagée au sein de l’équipe en et hors réunion
  • En favorisant une très bonne connaissance des collaborateurs entre eux, connaissance qui dépasse les simples relations professionnelles, via des moments de convivialité en face à face (réunions, séminaires, team-cafés…)
  • Par la prise en compte d’une dimension émotionnelle du management (temps d’inclusion à chaque réunion, relation managériale personnalisée en fonction des besoins de chacun)
  • Avec de nouveaux espaces de jeu et de nouvelles formes d’apprentissage
  • Par le biais de réunions courtes et rythmées où les informations top-down laissent le maximum de place aux échanges participatifs et où chacun peut se sentir membre actif de l’équipe et prendre part à des décisions
  • En proposant des opportunités de résoudre des problèmes, de porter des projets dans lesquels chacun peut avoir de larges marges de manœuvre, dans la logique sécurisée d’un contrat de délégation

Un cadre qui clarifie l’articulation entre l’individuel et le collectif

  • Par des questions qui orientent sur les solidarités (« qui as-tu aidé cette semaine ? »)
  • Par la formalisation des contributions individuelles aux objectifs de l’équipe
  • Par la valorisation des complémentarités notamment via la clarification des contributions attendues de chacun au sein du collectif en fonction de ses points forts
  • Par l’identification partagée et l’utilisation des points forts de chacun pour favoriser l’engagement et le plaisir de travailler

Un cadre qui donne des repères

  • En co-construisant des objectifs de l’équipe, dans lesquels chacun peut s’intégrer
  • En raccrochant les objectifs de l’équipe à une intention de niveau plus élevé pour donner du sens (les objectifs de l’entreprise, une organisation à revisiter, une ambition pour l’équipe…)
  • Avec des règles ou méthodes : les trois temps d’une réunion, des questions formulées pour susciter la capacité réflexive ou l’intelligence collective, des méthodes de communication partagée.

3.2 / Le besoin de nouvelles capacités managériales

Le contexte nécessite de sortir d’une classification simpliste des compétences « hard » et « soft » et d’identifier des registres d’actions qui dépassent la notion de compétence pour se référer à des capacités entendues comme des aptitudes professionnelles à développer par les managers dans leurs activités. Ces capacités sont largement cognitives, c’est-à-dire qu’elles permettent au manager d’être en interaction avec son environnement. De plus, elles possèdent la caractéristique d’être dynamiques (donc non figées dans des référentiels établis). Nous avons fait le choix de les classer en cinq familles :

Être en veille / décrypter et comprendre

  • Être en veille: s’informer / s’auto-former / avoir une lecture critique et élargie de l’éco-système de l’entreprise (nouveaux outils, de contexte de travail, d’actualité sanitaire, environnemental, …).
  • Décrypter et comprendre les signaux / informations / enseignements : se ménager des moments de prise de recul sur l’activité, le travail, le sens ; adopter une analyse systémique (dans et hors entreprise ; dimension professionnelle et personnelle des individus).

Être un agent proactif du changement

  • Transformer les enseignements et informations analysées en rêves pour les équipes, pour l’entreprise et la société, et donc en vision innovante de ce que pourrait être l’organisation, le management et les business models.
  • Avoir l’envie et le courage d’agir en conséquence: avoir confiance en soi, être positif et constructif, être persévérant, se remettre en cause pour pouvoir s’adapter en continu, ne pas craindre de prendre des risques, être résilient.
  • Repérer les leviers de changement: distinguer le cadre imposé et les marges de manœuvre possibles pour pouvoir / savoir sortir du cadre ; mesurer et anticiper les risques ; identifier ses alliés, les conditions de succès ; connaitre les basiques de la psychologie des acteurs pour optimiser motivation et envie d’action ; imaginer une stratégie d’action.
  • Agir en s’appuyant sur les valeurs de l’entreprise et du collectif, ainsi que sur ses propres valeurs / vertus[1].

Développer de nouvelles proximités

  • Pratiquer l’écoute active: de ses clients pour alimenter une réflexion sur leurs besoins opérationnels mais aussi stratégie et nouveaux business models ; de ses collaborateurs pour pouvoir prendre en compte leurs leviers d’engagement, en et hors situation de travail.
  • Communiquer autrement (avec les collaborateurs, clients, instances représentatives du personnel) : réunions plus courtes et plus fréquentes, mixage des modalités téléphone / vidéo / face à face, usage des blancs et écoute des silences (notamment en absence des repères visuels), prise en compte des perceptions et besoins spécifiques des individus, exploitation des différents capteurs (enquête QVT, REX, …)
  • Repenser la convivialité dans l’entreprise.
  • Manager à distance (télétravail, interpréter les comportements à distance).

Transformer / Engager dans l’action (pour des solutions adaptées au contexte)

  • Savoir pitcher sa vision / ses convictions comme ses interrogations: partager pour engager le collectif dans l’émergence et/ou l’appropriation de solutions et/ou leur mise en œuvre.
  • Discerner / se concentrer sur et partager ce qui est essentiel (l’important / l’urgent) et en tenir compte dans ses pratiques (management / décision /animation des collectifs) : simplifier, arbitrer entre le participatif et l’autoritaire, promouvoir l’expérimentation pour accélérer le processus de décision, favoriser l’action et les initiatives.
  • Embrasser l’ensemble des enjeux (en lien avec les activités de l’entreprise, les besoins clients, la RSE, le rapport au travail des collaborateurs …): penser à la fois les nouveaux modes de travail et les nouveaux enjeux business, penser le pilotage opérationnel tout en préparant l’avenir, décider dans un contexte d’incertitude et mouvant.
  • Être pédagogue: expliquer ses actions / décisions notamment quand elles remettent en cause l’organisation, les routines établies, des décisions récentes ; expliquer sa posture de manager et ses attentes vis-à-vis du collectif et des individus.

Développer des comportements collaboratifs

  • S’appuyer sur le collectif: rester humble, s’appuyer et faire s’exprimer l’intelligence collective
  • S’appuyer sur l’individu: déléguer, repérer les capacités d’action et le potentiel de chacun des collaborateurs en situation pour faire confiance / déléguer / s’inspirer (repérer les piliers) ;
  • Créer le cadre favorable pour l’action et les solidarités, le développement de la confiance et de l’engagement y compris en situation de crise ou de changement : encourager la prise de parole / le débat d’idée / l’expérimentation ; rassurer ; reconnaitre / valoriser / remercier chaque individu dans le collectif ; être dans la transparence et l’exemplarité ; Personnaliser le suivi / la communication avec ses collaborateurs ; sécuriser
  • Développer une attitude apprenante en toute situation : se remettre en question, organiser des REX, adopter et faire adopter une attitude constructive par rapport aux échecs

3.3 / Des points de vigilance pour les entreprises

Ces points de vigilance nous semblent essentiels à l’heure où les entreprises s’interrogent sur les dispositifs d’accompagnement des managers. En premier lieu ressort l’importance croissante donnée à l’humain, au plaisir au travail et au plaisir de travailler ensemble. Le management des personnes s’invite dans le panorama, intégrant non seulement ce que d’aucuns appellent le « management émotionnel », mais aussi une meilleure articulation, une meilleure dynamique entre la contribution individuelle et la performance collective, voire entre vie professionnelle et vie privée.

Par ailleurs, ces nouvelles pratiques impliquent un effort important pour les managers, un effort qui touche à la fois leur posture et leurs représentations quant au rôle managérial, et ce de d’autant plus s’ils ont fait leurs armes dans un environnement de type « command and control ».

Cela peut sembler plus facile pour des nouveaux managers :

  • « Ne pas être expert a finalement été une chance. J’ai dû me positionner différemment vis-à-vis de mon équipe… J’ai dû développer des capacités d’accompagnement de type coaching ».
  • « Lorsque je prends le poste, c’est ma première expérience managériale et sur un domaine dans lequel je n’ai pas une forte expertise. Je me suis simplement assuré que l’on me laisserait manager et expérimenter en cohérence avec mes propres valeurs, notamment la liberté d’action et l’autonomie. Et j’ai été transparent avec mon équipe. »

Mais même pour ces derniers, la posture n’en est pas moins difficile à tenir. Car ces leviers, qu’ils soient actionnés de manière forcée ou volontaire, de manière intuitive ou consciente, restent encore « contre-intuitifs ». Les mettre en œuvre nécessite d’acquérir de nouveaux réflexes et d’être vigilant pour ne pas revenir en arrière : « Je suis fréquemment soumis à des doutes, influencé par le système et par les réflexes naturels de mes propres collaborateurs (s’adresser à moi en cas de besoin de prise de décision ou de gestion de tensions…). Les tentations sont nombreuses de se laisser ramener à une logique managériale plus top-down, plus traditionnelle ».

A cette fragilité à tenir la posture peut s’ajouter une forme d’autocensure, pas uniquement dictée par le cadre de référence mais aussi par la peur de sortir des valeurs ou du système de gestion de l’entreprise. Tous les managers ne sont pas prêts à « oser », « s’autoriser à », s’ils ne se sentent pas soutenus.

Enfin, émerge la nécessité d’avoir une approche plus large, plus systémique, et de ne pas considérer que le seul accompagnement des managers : tout ne repose pas sur leurs seules épaules. Sont également à prendre en compte les managés, et donc la culture d’entreprise, l’organisation, ou encore le système de gestion de la performance.

[1] Au sens de Peterson & Seligman (voir le compte-rendu de réunion Cime du 30 mars 2021 : https://cime-innovation-management-expertise.com/referentiel-de-competences/
En synthèse de ce chapitre

Dans un monde de transitions, le manager est positionné dans un rôle nouveau pour lui :  maintenir le bon niveau de tensions pour stimuler la transformation et l’innovation, réguler ces tensions pour qu’elles deviennent créatrices.

Pour cela, deux pistes d’action s’offrent à lui : d’une part sortir ses collaborateurs du cadre de référence en assumant une posture de non-sachant, en cassant les routines et agissant sur les modèles mentaux, d’autre part favoriser un cadre qui permet une autre formulation de la problématique sous-jacente.

Dans tous les cas, les pratiques managériales restent « contre intuitives » et nécessitent un effort constant et intégrant fortement l’humain. L’entreprise doit en tenir compte dans son accompagnement car la transformation ne peut reposer sur les seuls managers.