Synthèse en français

Rapport au travail, sens et engagement : des clés pour comprendre et agir

Le sujet du sens au travail est au centre des préoccupation de toutes les entreprises, qui doivent faire face à des phénomènes de « quiet quitting », de « grande démission » et des enjeux d’attraction, de rétention et d’engagement.  Chaque jour voit sortir un nouvel article de presse ou post pour évoquer une « perte de sens au travail ».

CIME a fait le choix de ne pas produire une nouvelle étude sur cette question beaucoup abordée mais d’adopter une posture pédagogique. Il s’agit dans ce document de partager avec les dirigeants, managers ou membres de la fonction RH un contenu compilé et panoramique des principales réflexions et angles d’attaque du sujet, pour qu’ils puissent, à leur tour, les partager avec leurs équipes. En effet, il nous a semblé qu’une des difficultés du sujet était de partager une représentation commune et une compréhension partagée de ce qui se cache derrière l’expression fréquemment invoquée de « donner du sens au travail ».

En premier lieu, si toutes les études convergent vers le constat de la dégradation du sens au travail, aucune ne s’accorde sur une définition unique et consensuelle du sujet ni ne fait ressortir de perception homogène de la part des répondants.  La multitude des interprétations et la complexité de la notion de « sens au travail » démontrent la nécessité d’être prudent dans les généralisations qu’on peut en tirer.

Le sens est un processus permanent pour chacun, de recherche d’équilibre entre ses aspirations, son environnement, ses besoins, le contenu de son travail. Mais pour autant, les collaborateurs sont en attente d’une direction, d’un contexte, d’un management, de valeurs, de cohérence, qui vont leur donner envie de s’engager.

Il faut distinguer le sens du travail – dimension objective qui se rapporte aux tâches ou activités d’un travail (la nature des tâches, les conditions d’exercice de ces tâches, voire le type de compétences pour les effectuer) ; du sens au travail – dimension subjective basée sur le jugement personnel de l’individu sur son expérience de travail et l’importance qu’il y a accorde. Le sens au travail est un antécédent de l’engagement, c’est-à-dire de l’investissement physique, cognitif et émotionnel que met un individu dans son travail. Mais c’est aussi la résultante d’un processus (le sensemaking) sans cesse renouvelé de questionnement de ce qui s’est passé et de projection dans l’avenir par lequel les individus donnent un sens à leurs expériences collectives. La création de sens se réalise donc de façon collective, au travers d’interactions sociales.

L’analyse des pratiques d’une douzaine d’entreprises réalisée à partir d’entretiens avec des dirigeants, des DRH et des managers, nous montre que celles-ci se préoccupent davantage de l’engagement des salariés à travers leur travail que de sens proprement dit.

Ces entretiens nous ont aussi montré que d’un individu à l’autre, les attentes vis-à-vis de l’entreprise sont très disparates et se traduisent par une sensibilité différente aux leviers proposés par les managers ou les dispositifs d’entreprise. Certains leviers apparemment bien repérés ne font pas toujours l’unanimité en termes de facteur d’engagement, et sont parfois porteurs de paradoxes et contradictions, en fonction des profils de populations ou des circonstances.

Face à la « crise de l’engagement » les directions d’entreprises mettent en œuvre une diversité de dispositifs que nous avons regroupé dans une typologie en 8 « logiques d’action », illustrées par des pratiques concrètes. Certaines logiques d’action déjà connues sont repensées (revisiter les conditions de travail, mieux recruter ou recruter différemment, exploiter les enquêtes annuelles dans une logique systémique, …). D’autres logiques d’action sont plus nouvelles : faire tribu, développer la fierté d’appartenance. D’autres encore, incontournables : l’alignement de l’organisation et la transformation managériale.

Quels enseignements pouvons-nous tirer de tous ces témoignages, observations et analyses ?

Deux constats majeurs expliquent le désengagement au travail : la multiplicité et la divergence des représentations concernant le travail, l’organisation et la performance, ainsi que les contradictions dans les pratiques organisationnelles qui ne s’alignent pas avec les besoins individuels et collectifs, jusqu’au point de devenir des dissonances.

Par ailleurs, l’individualisation au travail couplé à la digitalisation et au télétravail ont délité les liens sociaux entre les collaborateurs, que les individus tentent de retrouver à l’extérieur, dans d’autres initiatives plus collectives.

Face à l’engagement autrefois unique dans le travail, émergent de nouvelles formes d’engagement à l’extérieur de l’organisation, au sein de mouvements sociaux et citoyens, d’associations, de sociétés civiles et vers le bénévolat au sein d’organisations issues de l’économie sociale, solidaire et participative.

Face à ces enjeux, les managers de proximité ont un rôle à jouer et développent du mieux qu’ils le peuvent une panoplie de pratiques ou dispositifs que l’on peut qualifier « d’initiatives d’en bas », en complément des pratiques « par le haut », pilotées par les dirigeants.

Nous assistons par ailleurs, dans les organisations à un besoin et à des tentatives de rééquilibrage des rapports de force entre les collaborateurs et leur employeur. Dans ce contexte, il appartient aux Ressources Humaines d’accompagner les équipes de management dans la recherche de nouveaux équilibres, en permettant des réponses plus souples, plus individualisées aux attentes des salariés.

A l’issue de ce travail d’exploration de la question du sens au travail, il apparait que nous sommes bien au milieu d’une période de mutation sans précédent, dans un processus de transition qui nous fait passer d’un modèle unique, basé sur l’emploi à vie, la présence de tous sur un même lieu aux mêmes horaires et une vision communément partagée du sens au travail basé sur des marqueurs solides et stables (salaire, sécurité, progression de carrière  linéaire et verticale…), à une multitude de modèles, basée sur la diversité et la mobilité des activités, l’hybridation des temps et des lieux de travail et des visions multiples du sens au travail qui reflètent l’éclatement des besoins et attentes vis-à-vis de l’entreprise et la recherche de nouveaux équilibres vie personnelle/vie professionnelle.

Bien sûr cette évolution invite à développer des approches plus personnalisées de la relation de travail, tout en développant un projet et une identité collective. Mais le défi est d’ampleur pour le management de proximité qui est particulièrement confronté à gérer des tensions contradictoires et à imaginer des pratiques qui combinent individualisation et sens du collectif.

Il y a nécessité à cet égard, de repenser l’accompagnement des managers sur des sujets nouveaux pour eux qui ne peuvent relever de la stricte « formation » mais de l’accompagnement dans leur équipe naturelle de travail (facilitation).

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