Constructor : accélérer l’arrivée de l’innovation sur les produits

Entreprise de haute technologie, d’envergure internationale, Constructor compte plus de 15 000 collaborateurs et réalise un chiffre d’affaires de l’ordre de 3,7 milliards d’Euros dont 35% à l’international. C’est un industriel de référence mondiale intervenant sur la totalité du processus de maîtrise d’œuvre de véhicules lourds (de la conception au retrait du service actif). Entreprise réseau, son portefeuille de compétences est composé de l’expertise de ses spécialistes internes répartis sur une dizaine d’établissements en France et, plus récemment, de l’expertise déployée par son réseau de partenaires. Les défis sont multiples et portent sur plusieurs dimensions. Au plan technologique, l’entre- prise vise à anticiper les ruptures technologiques et à développer des solutions techno- logiques à forte valeur ajoutée. Au plan scientifique, elle cherche à exploiter les travaux récents de l’écosystème scientifique en France et à l’international. Au plan économique, confrontée à la réduction des financements publics, elle exprime une volonté forte de s’internationaliser afin d’assurer sa croissance. Ces défis la conduisent entretenir un réseau d’experts des domaines scientifiques et à acquérir de nouvelles expertises sur un marché de l’emploi très concurrentiel.

 

Conduite du changement

Constructor hérite d’une longue période d’existence dans le giron de l’État. Elle est devenue société nationale en 2000, puis société de droit privé à capitaux publics en juin 2003 avant de fusionner avec un groupe industriel de haute technologie en 2007. Cette évolution l’a conduit à une transformation radicale de ses modes de fonctionnement. Les innovations de produits et de procédés font partie depuis toujours des gènes de l’entre- prise qui consacre 120 millions d’Euros à sa direction de l’innovation technique. Elle a mis en place une veille technologique sophistiquée pour continuer à être dans la course de l’innovation et participe à des groupes et des programmes de réflexion en France et à l’échelon européen. La perception d’un engagement de l’entreprise vers le changement est perçue à la base, même chez les nouveaux entrants : « Je suis content, malgré l’historiquede la société il y a une volonté de changement au niveau R&D. Cela ne veut pas dire que tout le monde ait envie de changer mais au niveau de l’organisation il y a une volonté d’améliorer, sans freins liés au changement. » (Ingénieur Intelligence artificielle).

La conduite du changement est contrariée principalement par trois facteurs. Le poids des commanditaires institutionnels ralenti la prise de décision en raison du formalisme attaché à la contractualisation : « On fait beaucoup plus de papiers que du tech- nique, on a beaucoup d’indicateurs, de processus qualité. Tout ça a dû mal à être accepté par le commun des mortels de Constructor » (ingénieur R&D). Les longs cycles d’innovation s’accommodent mal de technologies de plus en plus turbulentes. Enfin, les technologies mobilisées sont sensibles et il existe, à tout niveau, une forte aversion au risque. En résultante, les responsables des projets eux-mêmes sont peu ouverts au changement : « Le premier devoir d’un directeur de programme c’est de diminuer les risques. Quand on lui amène de l’innovation, on amène forcément des risques. » (Directeur domaine tech- nique).

 

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Valorisation de ressources humaines

La direction scientifique et technique fait partie de ces entités où on se sent responsable. Au plan du travail quotidien, les équipes apprécient la latitude qui leur est donnée dans la réalisation de leur travail : « Il y a beaucoup de latitude dans le travail quotidien. Paradoxalement, je disais qu’il y a plein d’indicateurs et finalement dans le travail quotidien on est assez libre, on n’a passon chef sur le dos toutes les 5 minutes. D’abord il n’a pas le temps. En général, on sait ce qu’on doit faire, bien ou pas bien, dans les temps ou pas mais globalement on a quand même une bonne vision du travail à faire. » (Ingénieur R&D)

Bien que recrutant du personnel très qualifié, l’entreprise investit sur le développe- ment des ressources humaines, consacrant 6% de sa masse salariale à la formation. Par ailleurs, depuis plus une dizaine d’années, elle a mis en place une gestion des experts, construisant une filière propre aux experts techniques et assurant leur évolution, jusqu’aux plus hauts niveaux de qualification. Un collège d’experts veille au maintien des compétences scientifiques les plus critiques. La contribution de la fonction ressources Humaines qui anime cette valorisation, n’est pas toujours clairement perçue, mais a aidé à bousculer une gestion du personnel qui étaient très focalisée sur les aspects administratifs. La DRH a notamment encouragé la promotion de jeunes talents à des fonctions où ils n’étaient pas spontanément attendus.

 

Coopération interne

Sous l’impulsion d’une direction technique et de l’innovation un réseau technique est capable de se mobiliser sur les différents projets. Il stimule l’innovation technique et identifie les domaines d’expertises techniques nécessaires à la stratégie de l’entreprise. Des initiatives transversales ont été développées (conception du dispositif de gestion des experts, pilotée par la direction technique et la DRH, hub d’entrepreneuriat où des volontaires peuvent faire germer un projet). Malgré ces initiatives, la coopération interne reste à renforcer avec une structure qui reste très verticale : « On est plutôt en silos et vu la taille de la boite, cela ne m’étonne pas. Mon job c’est de faire du transversal. Les gens n’y sont pas opposés. En revanche, c’est beaucoup d’énergie. Le type qui bosse en transversal doit répondre à A, B ou C mais son chef c’est A et c’est son chef qui va l’évaluer en fin d’année. Donc s’il a un choix à faire, il le mettra sur le A parce que c’est son chef qui fera son évaluation annuelle. » (Directeur domaine technique). En outre, les directions d’activités imaginent difficilement d’avoir des sujets dans l’air sans savoir en amont à quoi ils vont aboutir. Autre frein à la coopération, il existe une coupure culturelle forte entre le monde de la R&D et celui des programmes.

 

Coopération externe

Afin d’assurer une croissance à l’international, Constructor a noué des partenariats dans la réponse aux appels d’offre. Pour accélérer l’innovation du groupe et stimuler la créativité, un département Open Innovation a été mis en place. Sur le long terme, l’entreprise s’efforce de mettre en place un système collaboratif permettant de mutualiser les expertises et les moyens industrielset d’accélérer la recherche de financements, tout en veillant à maîtriser les risques découlant de cette ouverture. Les collaborations sont décidées de façon raisonnée : « Tout un tas de gens viennent nous solliciter tous les jours. Un des enjeux est de savoir sélectionner les bons acteurs, éviter de s’user à chercher de nouvelles collaborations au détriment du fonctionnement des collaborations en cours.   Il faut aussi savoir stabiliser son écosystème et définir des priorités. » (Directeur des projets R&D).

L’ouverture à l’environnement reste toutefois limitée par la nécessité de préserver le secret de certaines de certaines de ses productions. Par ailleurs, dans cette entreprise à forte culture technique, les responsables et ingénieurs de R&D déplorent uneconnaissance insuffisamment partagée des attentes et ressentis du client : « Au niveau de la direction industrielle, de la R&D, onn’a aucun retour. On ne sait pas ce qu’ils disent, ce qu’ils veulent, ce qu’ils demandent, ce qu’ils ne veulent pas. » (Directeur domaine technique).